Un Vir’King Raid parmi les « Barjes »
Article mis en ligne le 20 novembre 2013

 La Barjo 2013 : 87 km
 Fabrice Pillaud : 27/184 classés ; 10h36’

« Dis-moi papa, pourquoi cours-tu avec tous ces gens, harnachés, bariolés, une lampe vissée sur la tête, qui se promènent avec un gobelet de café ou un rouleau de papier toilette à la main ? ». Ce sont les Barjes mon fils. Nous sommes une drôle de tribu qui se rassemble le temps d’une course pour discuter entre amis, profiter des grands espaces, et traverser de nouveaux paysages. Nous sommes ceux qui prenons le départ lorsque les villes dorment encore pour repousser les limites de nos petites existences modernes et retrouver l’ivresse de nos origines nomades. Nous sommes les Barjes qui nous alignons sur la plage de Barneville avec le fracas des vagues dans le dos et le chemin côtier qui déroule ses embûches devant nous.

J’aime bien cette communauté de trailers un peu fous qui bravent les éléments pour aller toujours un peu plus loin, là où les pas sont plus lourds, les cuisses se crispent, et les esprits rêvent d’une saucisse-frite. Je retrouve donc David Gosselin (2ème), Samuel Galodé (23ème) et Eric Guillemette (96ème) sur le 87km, puis Francis Garnier (1er), Christophe Chaput (52ème-virking raid) et Philippe Barbier (128ème-virking raid) sur le 42km. Nous sommes les Barjes qui piétinons le sable en attendant le moment de la délivrance lorsque le peloton ventru se perdra dans la nuit…

La Barjo, ce sont d’abord des plages interminables qui s’étirent entre une mer paresseuse et un rideau de dunes clairsemées. C’est aussi un petit sentier douanier qui court entre les herbus, les falaises côtières, et traverse les ports de Siouville, Vauville, Goury, et Jobourg. Autant de cartes postales maritimes où les cottages de pierres ceinturés de murets fleurissent dans la « lande irlandaise ».

Mais La Barjo, ce sont surtout ces Barjes qui se suivent, partagent un bout de chemin, et restent concentrés sur leur effort. Je garderai donc quelques images fortes de cette course. Le bonheur de gravir un sentier de terre quasi vertical en dépassant quelques Barjes, le souffle court et tétanisés par l’effort. L’étonnement en saluant cette petite fille qui avait organisé un ravito sauvage de limonade au bout de son jardin. La satisfaction d’être interrogé par deux fois en direct, le micro sous le nez, sur la fin du parcours. La reconnaissance pour tous ces coureurs moins aguerris qui m’ont encouragé et ouvert la route jusqu’à l’arche d’arrivée. La joie de ce jeune trailer, heureux de me dépasser dans une montée après m’avoir pisté pendant plus d’une heure et demie… Et ce final, impérial, où je puise les ressources nécessaires pour dérouler la grande foulée, celle qui avale un peloton de concurrents, avant de terminer ma course, les jambes brisées, hagard, dans les banderoles publicitaires.

« Et maintenant, papa ? ». Regarde bien mon fils, tous ces Barjes qui se racontent leur course, l’œil pétillant et une bière à la main, ils reprennent déjà leur route, clopin-clopant, vers de nouveaux horizons…